Ne pas être qu'un "patient" ...

Publication de la recherche financée par CECAP

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°27 – décembre 2006

La stimu­la­tion à haute fréquence du noyau subtha­la­mique et le trai­te­ment à la L‑dopa dans un modèle expé­ri­men­tal de la mala­die de Parkin­son : effets sur le compor­te­ment et la trans­mis­sion gluta­ma­ter­gique au niveau du striatum. 

Euro­pean Jour­nal of Neuros­cience, Vol. 24, pp. 1802 – 1814, 2006
Abid OUESLATI
Insti­tut de Biolo­gie de Déve­lop­pe­ment de Marseille-​Luminy, équipe IC2N, UMR 6216
CNRS, 31 chemin Joseph Aiguier 13402 Marseille Cedex
20 Novembre 2006

La mala­die de Parkin­son (MP) est une atteinte neuro­dé­gé­né­ra­tive causée par la mort sélec­tive et progres­sive des neurones de la substance noire pars compacta (SNc) qui produisent de la dopa­mine. Cette déplé­tion en dopa­mine induit l’apparition des symp­tômes cliniques parkin­so­niens, qui consistent essen­tiel­le­ment en : akinésie/​bradykinésie (ralen­tis­se­ment à l’initiation et/​ou à l’exécution des mouve­ments), rigi­dité et trem­ble­ment de repos.

La dégé­né­res­cence de la SNc entraîne un dysfonc­tion­ne­ment d’un ensemble de struc­tures céré­brales, appe­lées ganglions de la base, impli­quées dans le contrôle du mouve­ment et dans des fonc­tions mentales et motivationnelles.
En parti­cu­lier, deux systèmes des ganglions de la base, utili­sant le gluta­mate comme neuro­mé­dia­teur, deviennent hyper­ac­tifs : les projec­tions du cortex céré­bral sur les ganglions de la base (voie corti­cos­triée) et le noyau subtha­la­mique (NST).

Depuis les années 70, l’administration de la L‑dopa, précur­seur de la dopa­mine, est le trai­te­ment phar­ma­co­lo­gique de réfé­rence de la MP. Cepen­dant, à long terme ce trai­te­ment phar­ma­co­lo­gique perd son effi­ca­cité et induit l’apparition d’ef­fets indé­si­rables très inva­li­dants, notam­ment des mouve­ments invo­lon­taires anor­maux ou dyski­né­sies. Pendant la dernière décen­nie, un nouveau trai­te­ment de la MP a été déve­loppé : la stimu­la­tion céré­brale profonde. Ce trai­te­ment chirur­gi­cal consiste à déli­vrer une stimu­la­tion élec­trique à haute fréquence (SHF) à l’aide d’élec­trodes implan­tées au niveau du NST. Malgré son effi­ca­cité incon­tes­tée, les méca­nismes d’ac­tion de ce trai­te­ment chirur­gi­cal et ses inter­ac­tions avec la dopa­thé­ra­pie restent encore méconnus. 

Dans ce contexte, ce travail vise à carac­té­ri­ser les effets cellu­laires et moteurs d’un trai­te­ment avec la L‑dopa (indui­sant des dyski­né­sies sévères) et surtout les consé­quences de la SHF du NST, appli­quée pendant 5 jours, chez le rat rendu parkin­so­nien (par lésion unila­té­rale de la SNc avec la 6‑OHDA (1)). Nous avons réalisé le test compor­te­men­tal du cylindre (2) afin d’éva­luer les akiné­sies provo­quées par la lésion dopa­mi­ner­gique, ainsi que de tests permet­tant de clas­si­fier les dyski­né­sies induites par la L‑DOPA. Nous avons aussi réalisé des enre­gis­tre­ments élec­tro­phy­sio­lo­giques sur des tranches cortico-​striées(3) obte­nues de rats parkin­so­niens ayant subi le trai­te­ment phar­ma­co­lo­gique et/​ou la SHF.

  • Sur le plan moteur, nous avons montré que la SHF du NST améliore progres­si­ve­ment les akiné­sies induites par la lésion 6‑OHDA, mais inca­pable de réduire les dyski­né­sies induites par la L‑DOPA.
  • Sur le plan élec­tro­phy­sio­lo­gique, nous avons montré que la lésion 6‑OHDA entraîne une hyper­ac­ti­vité gluta­ma­ter­gique de la voie corti­cos­triée et que le trai­te­ment avec la L‑dopa non seule­ment ne réduit pas cette hyper­ac­ti­vité, mais l’exacerbe.
    Par contre, la SHF du NST, asso­ciée ou non à la L‑dopa, inhibe la trans­mis­sion corti­cos­triée, vrai­sem­bla­ble­ment grâce à la fois à une dimi­nu­tion de la libé­ra­tion de gluta­mate et à une désen­si­bi­li­sa­tion des récep­teurs AMPA et NMDA striataux. 
  • Sur la base de ces données, nous montrons que la SHF du NST, chez le rat parkin­so­nien, réduit l’hy­per­ac­ti­vité gluta­ma­ter­gique et améliore les akinésies. 

Il est donc possible de conclure que l’hy­per­ac­ti­vité gluta­ma­ter­gique, consé­quente à la lésion dopa­mi­ner­gique, est asso­ciée aux troubles moteurs parkin­so­niens. Inver­se­ment, l’exa­cer­ba­tion de cette hyper­ac­ti­vité causée par la L‑dopa indui­sant des dyski­né­sies ne semble pas être forcé­ment asso­ciée à ce type de trouble moteur, car les dyski­né­sies sont toujours présentes après la SHF du NST. Ces données confirment que la SHF du NST, ainsi que la L‑dopa, induisent de profonds rema­nie­ments fonc­tion­nels dans les ganglions de la base et ouvrent des nouvelles pers­pec­tives dans l’étude de la MP et de ses approches thérapeutiques.

Notes :
(1) 6‑OHDA = 6‑hydroxydopamine, une toxine indui­sant, après injec­tion intra­cé­ré­brale dans la SNc, la mort sélec­tive des neurones dopaminergiques.
(2) Le test du cylindre permet d’évaluer les défi­cits moteurs (akiné­sie) induits par la lésion des neurones de la SNc. Ce test consiste à quan­ti­fier le nombre d’appuis, par la patte gauche, droite ou les deux, effec­tuées par le rat dans un cylindre en plexi­glas (voir photo).

souris.jpg

Par exemple, la lésion de la SNc du côté gauche entraîne une akiné­sie de la patte droite, qui résulte en une réduc­tion des appuis effec­tués avec cette patte.

(3) Tranches cortico-​striées : coupes fron­tales du cerveau conte­nant sur le même plan des neurones du cortex céré­brale faisant connec­tions avec des neurones du stria­tum. Cette prépa­ra­tion permet d’étu­dier la trans­mis­sion synap­tique et l’ac­ti­vité élec­tro­phy­sio­lo­giques des neurones stria­taux et d’éva­luer les effets de trai­te­ments pouvant affec­ter les ganglions de la base.

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